jeudi 25 octobre 2018

Une traversée plaisante - enfin!

On est en train de dépasser un tout petit rafiot de pêche sur tribord. Il est à l’arrêt, probablement en plein éviscération de poissons divers. Je les observe à la jumelle, ils sont un bon moyen de tuer l’ennui car Jérémy dort à point fermé ; je l’ai réveillé trop tôt ce matin pour qu’il m’aide à descendre les voiles quand le vent a décidé de nous laisser tomber, il a besoin de quelques heures de repos de plus. Les matelots vont et viennent à la jupe arrière de leur navire, et lancent bon nombre de déchets à la mer - probablement les viscères sus-nommées. Avec ça, ça fait quelques dizaines de minutes que le moteur commence à m’inquiéter ; il avance peu, est légèrement plus chaud qu’il ne devrait et vibre plus qu’à l’accoutumée.
Mes tentatives de comprendre ce qu’il se passe avec ce maudit moteur (on est en mauvais termes, lui et moi) ont réveillé Jérémy. Ses yeux sont tous petits, le blanc est teinté légèrement de rouge, ce qui a pour effet de rendre ses yeux encore plus bleu, un bleu électrique renforcé par la luminosité. Ajouté à ça sa mine renfrognée, il n’a vraiment pas l’air commode avec ses cheveux dressés par le sel de mer. En plus, il ne comprend pas pourquoi mon attention commence à fuir le moteur.
« Des poissons! Il y en a tout un banc qui nous suivent! Regarde, ils sont gros en plus! »
Il se penche. Me regarde. On a la même idée.
« On pêche? »
Branle-bas-de-combat. On vide les coffres du cockpit à la recherche de notre matériel de pêche. Assez vite, Jérémy met la main sur la canne à pêche télescopique de son grand-père. Sauf qu’on y a même pas installé de leurre, il y a simplement un gros plomb et un gros hameçon, souvenir de nos tentatives de pêcher du poisson-chat dans le Mahury. Bouarf, on a pas l’illusion d’attraper quoi que ce soit de toute façon - plus mauvais pêcheurs que nous, ya pas! Mais les poissons en ont décidé autrement - ils se jettent allègrement sur le plomb en délaissant l’hameçon, puis quand ils ont compris qu’ils n’auraient rien d’autre à tirer du plomb qu’un sévère mal de dents, ils continuent à filer dans le sillage du bateau, juste derrière son saffran.
« Faut trouver un appât, un leurre, quelque chose! »
Jérémy file fouiller dans nos filets et en ressort la tete desséchée d’un banane. Meh, je vois pas pourquoi ça les intéresserait. Mais on est d’humeur à faire des expériences, alors le morceau de peau de banane desséché finit à l’eau. En vingt secondes, les poissons qui nous suivent se le disputent. Soudain, surgit un magnifique poisson bleu et jaune, bien plus rapide que les autres, et plus gros aussi. Je mets quelques secondes à le reconnaître, car ses collègues du pacifique sont bien plus gros : une daurade coryphène! Mais zut, ce sont des poissons battants ceux-là, ils ont tendance à ne pas se laisser faire et à sauter dans tous les sens une fois ferrés. Je préviens Jérémy, il s’accroche, la canne se tend, se tend… Je m’attends à tout instant à la voir céder ou lui échapper des mains, mais finalement il tient bon, et la daurade fatigue.
Il la hisse alors dans le cockpit comme s’il avait fait ça toute sa vie, et la daurade est alors frappée de l’énergie du désespoir. Elle saute partout, s’enroule autour des bouts du régulateur et envoie des projections de sang par terre. Elle me fait un peu de peine, d’autant plus que l’hameçon est passé à travers sa joue, juste sous l’oeil. Tout à coup j’ai un peu honte d’avoir ferré un si joli poisson, dont la taille (70?80 cm?) me fait penser que son espèce est moins commune que dans le Pacifique. J’explique à Jérémy comment abréger ses souffrances, en passant un couteau des branchies jusqu’au cerveau, mais elle continue à remuer et je n’arrive pas à me souvenir si c’est la bonne façon pour une daurade ou si c’est pour un autre poisson. Voyons voir, le thon, il fut le saigner, mais la dorade?.. Zut! Je voudrais tellement que ça finisse vite. Finalement ses couleurs ternissent, signe qu’elle est morte, et on commence à la découper. Je me rends compte avec plaisir que je n’ai rien perdu de mon coup de main pour faire des filets. Jérémy est impressionné. 





En très peu de temps on se retrouve avec notre déjeuner dans nos assiettes, alors même qu’une heure plus tôt on n’arrivait pas à se motiver pour ouvrir une autre boite de conserve. Mmh, quel délice. J’ai même pu préparer un curry de poisson pour le repas du soir. Bon, certes, quelle végétarienne en carton aussi, mais c’est un autre problème.
On reste là, dans le cockpit, le ventre satisfait d’un repas aussi fameux, les jambes dorant au soleil, ravis, à observer les sargasses qui passent… Les sargasses qui passent? Mais bien sûr, voilà pourquoi notre moteur râle depuis une heure, son hélice doit en être fourrée! Jérémy passe le  point mort, puis la marche arrière, et un nuage de sargasse apparait à la poupe. Yikes! C’est reparti, et on file à 4,3 noeuds vers la Barbade, au lieu des 2,8 avec notre hélice ensargassée. Plus que 60 miles, parfait! A ce rythme-là, on arrivera demain matin! Finalement, elle était loin d’être si terrible, cette traversée pour laquelle j’avais tant d’appréhension. Il faut dire que les conditions étaient plus clémentes : pas de houle serrée qui nous jette d’un bord sur l’autre toutes les 5 secondes. Il y a bien eu un gros grin, la première nuit , au cours du quel j’ai été très inquiète de voir la foudre frappée ici et là. Finalement, on a réduit la voilure, serré les fesses et on a juste récolté une très grosse douche d’eau douce mais glacée. Et puis, aujourd’hui, cette pétole qui n’en finit pas, et ces sargasses qui veulent s’en prendre à notre moteur. Mais tout bien considéré, on est loin d’être malheureux. Bien calés dans notre rythme de quarts, qui nous laissent quotidiennement une demi-nuit et une grosse sieste, on a le temps pour lire, discuter, faire des projets pour la suite. Ou même, comme ce fut le cas le 3ème jour, observer un jeune fou de bassan se reposer sur notre balcon avant… Jérémy l’a veillé pendant une grande partie de son quart, mais quand il a voulu aller changer la voile d’avant, notre jeune fou s’est envolé, outré, en claquant du bec et en criant sur cet importun. Jérémy était vexé comme un pou de son ingratitude.
Bientôt l’île apparaîtra devant nos yeux et je me dis que si toutes les traversées devaient être ainsi, alors peut-être qu’il y aurait de quoi me réconcilier durablement avec ma toute petite Lilla, malgré tous les caprices et toutes les crasses qu’elle a su nous faire.


(En mer, on pense aux copains ... :D)

Les îles du Salut




On surplombe une baie où l’eau bleue criarde semble sortir d’un cliché kodachrome des années 70. Autour de nous, des palmiers vert vif tirant au jaune. Au centre de cet écrin, Lilla est bercée doucement par l’alizé, et son arrière pointu plonge et replonge dans les petites vagues qui arrivent à se faufiler dans cette baie abritée.
«  Pourquoi n’ai-je pas pris mon appareil? » Je suis un peu fâchée contre moi-même. Mais bon, on était juste censé aller à terre nous désencombrer de notre poubelle avant notre traversée vers la Barbade. Et puis finalement, l’ombre des palmiers et la douce ambiance de l’île Royale nous ont donné envie d’aller trotter. C’est là qu’on a découvert cette splendide vue sur la baie des cocotiers, où est mouillée Lilla. 




Cette deuxième ballade, pour notre deuxième jour aux Iles du Salut, me réconcilie un peu avec l’endroit. Je m’habitue un peu plus à ce curieux mélange entre un lieu de mémoire et un lieu de villégiature pour les plus aisés des habitants de Guyane, même si la transformation des cellules des bagnards en carbet où poser son hamac pour la nuit (et pour 12e!) me met toujours mal à l’aise. Aucun panneau sur les conditions de vie, sur les prisonniers concernés par la déportation, rien. Il faut dire qu’à une demi-heure de navigation de Kourou, l’endroit est assez paradisiaque et en contraste complet avec les eaux boueuses du continent. Alors le trait est tiré sur le passé moins glorieux de ces trois îles pour laisser place au farniente.




Comme à Saül, on rencontre le gendarme déployé sur l’Ile. Une fusée décolle le lendemain, et il a pour charge de faire évacuer les Îles. Selon ce qu’on avait entendu sur le continent, en cas d’accident, la Fusée pourrait retomber sur l’ancien bagne. Pour avoir vu la puissance de l’objet, j’imagine qu’il ne resterait plus grand chose de l’archipel. Il est le dernier à rester sur l’île Royale, et doit sûrement être partagé entre l’appréhension d’un crash et l’émerveillement d’être aux premières loges pour un spectacle si hors du commun.
Trop occupés par divers travaux sur le bateau, dont le grattage de la coque qui est recouverte de petites berniques, souvenir de Degrad, nous ne visiterons que l’île Royale, la plus touristique. La saint-Joseph est accessible également, bien que plus difficilement par un débarcadère glissant et peu adapté à notre fragile annexe. Elle a l’air plus à l’abandon, plus préservée aussi paradoxalement. Il parait qu’elle abrite un étang dans lequel s’est installé un caïman, et que la jungle a repris ses droits, repoussant entre les pierres et les ruines des différents bâtiments du bagne. Enfin, la plus célèbre, l’île du Diable, n’est ni facilement accessible, ni autorisée à la visite. Son débarcadère est clairement en ruine - nous le verrons depuis la côte Nord depuis la Royale et on dirait qu’une forêt de palmiers a pris possession de l’endroit. Est-ce justement parce que c’est la plus célèbre qu’elle n’est pas accessible? Est-ce pour la préserver? Est-ce pour éviter de devoir faire un mea culpa d’y avoir envoyé un grand nombre de prisonniers politiques? Toutes ces questions nous viennent en l’observant de l’autre côté de la passe. Il faudrait qu’on fasse des recherches là-dessus j’imagine. 





L’image des Antilles se grave de plus en plus dans nos paroles. On aime cette vie à se jeter cinq fois par jour à l’eau depuis son bateau, même si, ici, la faible visibilité et les rumeurs de requins nous empêchent un peu de barboter l’esprit léger. Aux Antilles on verra sur des dizaines de mètres! On a tellement hâte d’y être, la Barbade n’est qu’à 600 miles… même s’il me faut avouer que mon coeur est fébrile à l’idée de reprendre la mer. C’est ridicule, c’est 3 à 4 fois moins que notre traversée de l’Atlantique., pourtant je ne me souviens que trop amèrement de la fatigue que celle-ci avait jetée sur mon moral, et la motivation est dure à trouver. Pourtant il le faut, il faut se remettre en selle ; un bateau est fait pour naviguer et il n’est pas question de le laisser s’abimer plus longtemps en Guyane. C’est parti!

vendredi 12 octobre 2018

"Un ROUGE s'est produit"

"Plus qu'une minute!"
Je viens de me rasseoir à côté de Jérémy après être allée jeter un œil aux écrans géants derrière nous. Très loin, à l'horizon, un tout petit trait blanc, éclairé, sur lequel sont fixés tous les regards. Silence. Toujours du silence. Tiens, elle est longue cette minute. Des chuchotements se font entendre ici et là, puis un léger ronronnement de voix humaines parcoure l'assemblée. Je retourne voir mes écrans. Ils n'affichent plus la fière fusée Ariane et son lanceur, mais la maquette et le musée de l'espace. Le compteur est retourné à 7 minutes, il est bloqué. La seule information qu'on a est qu'"un ROUGE s'est produit" - de quelle nature, on ne sait pas, mais ça a bloqué le décollage de la fusée. 
C'est fâcheux, ça. Impossible de savoir si on assistera ou pas à ce lancement, au final. 
On prend tous notre mal en patience, le stand de sandwich se fait dévaliser en contre-partie. Jérémy et moi piétinons devant l'écran. Autant on avait eu du mal à trouver la motivation pour rouler jusqu'à Kourou, attendre une heure et demie l'arrivée du bus qui nous a emmené au site d'observation, autant maintenant qu'on y est, zut, on a pas du tout envie qu'il soit annulé ce lancement. Je pense avec envie à ceux qui sont dans la salle Jupiter et qui doivent observer les allées et venues des ingénieurs qui s'arrachent les cheveux. Ici, la jungle est tellement calme dans la nuit qui est tombée.





Au bout de 35 minutes, c'est bientôt la fermeture de la fenêtre de tir, il faut bien se rendre à l'évidence ; la fusée ne décollera pas aujourd'hui. Vu qu'on a décidé de profiter d'être à Kourou pour manger des sushis (très typique, n'est-il pas), on va s'installer pour faire la queue et redescendre de ce satané site d'observation parmi les premiers.
Alors qu'on se rend compte qu'on vient de créer un mouvement de foule, une voix retentit dans les haut-parleurs "Reprise du compte à rebours à 19h35". Dans quelques minutes la fusée va décoller. Chacun regagne sa place, on décide d'aller se mettre contre un mur, derrière toutes les rangées, là où l'on ne dérangera personne. 3 minutes au compte à rebours, un mec parmi les rangées assises décide de se lever et de monter sur le banc sur lequel il était assis. 15 secondes plus tard celui derrière lui décide de faire de même. Bientôt toute la foule est debout sur les bancs et depuis notre position on ne voit plus l'horizon mais une forêt de fessiers. Maintenant tout le monde voit aussi bien que lorsque tout le monde était assis, sauf les gueux comme nous qui sont debout contre le mur, derrière eux. Soupir. 




Enfin, entre deux paires de fesses, la fusée s'éclaire. Une lumière assez faible d'ailleurs, mais bientôt on doit plisser les yeux pour continuer à l'observer. La fusée décolle, les écrans retransmettent un bruit assourdissant, et le ciel bleuté et nuageux de la nuit guyanaise devient orange vif. Bientôt le bruit nous atteint, plus rauque que tout ce que j'ai entendu dans ma vie, le genre de bruit qui nous aurait glacé l'échine si l'on n'avait pas su ce à quoi on assistait. La fusée passe au-dessus de nous, de plus en plus petite. En la suivant du regard je me rends compte que le forêt de fesses s'est transformée en une forêt de fusées miniatures, chacune sur l'écran d'un smartphone. La fusée poursuit sa course folle, elle devient un tout petit point parmi les étoiles, tout en continuant de filer vers l'Est. Au bout de quelques minutes, les écrans indiquent qu'elle a traversé l'Atlantique, cet océan dont on est venu à bout en 3 semaines. Il est alors temps de redescendre sur Kourou et d'aller enfin manger le dîner.

mardi 2 octobre 2018

Saül, au coeur de la forêt amazonienne

On était fin août, ça faisait 3 mois et demi qu'on était en Guyane et il fallait bien se rendre à l'évidence : on en avait pas vu grand-chose. Les supermarchés, les bibliothèques, les villes, le trajet du bateau au boulot de Jérémy, les lavomatics, le marché de Matoury. On venait de se faire ramasser en stop par une petite dame qui s'est mis à nous vanter les mérites de Saül. Mais oui, Saül, cette petite bourgade de 80 âmes pile au milieu de la Guyane, accessible uniquement par avion (où, on l'apprendra plus tard, par piste - 10 jours à pied au coeur de la forêt, empruntée principalement par les militaires et les orpailleurs). J'avais lu des trucs là-dessus, mais malgré l'envie de s'y rendre, l'idée de prendre un avion m'avait stoppée dans ma rêverie. Avion = trou dans le budget.
Seulement, ce que je ne savais pas, c'est que les vols pour Saül sont subventionnés, sans quoi la ville ne pourrait pas subsister. Donc, il fallait compter 130e par personne aller-retour au lieu des 600 que cela aurait du coûter. On a hésité un peu, et puis on a acheté nos billets.
A peine rentrés de l'Ilet la Mère, nous voilà donc en train de faire nos sacs pour 3 jours à Saül, apparemment le paradis de la rando en forêt. Seulement, sur le billet, je lis "10kg de bagage maximum" - probablement des bagages cabines uniquement, alors à regret on fait des sacs légers, sans trop de nourriture, et sans notre machette. Une fois arrivés à l'aéroport, il s'avère qu'on a le droit à 10kg en soute + 5 en cabine. Zut, on aurait pu emmener de quoi manger sur place, et bien plus de matériel.
 

Après quelques heures d'attentes à l'aéroport où je cours partout pour voir les avions décoller et attérir, nous voilà dans un petit avion 18 places qui décolle vers le Sud. Les habitations défilent sous nos yeux, d'abord le bourg de Matoury, puis des habitations plus éparses, des pistes de terre, et enfin plus rien. La forêt à perte de vue, interrompue seulement par le sillon d'une rivière qui serpente sous nos pieds. Quelques turbulances, et puis 30 minutes plus tard, une petite tache dans cette étendue verte : le bourg de Saül! On survole une ferme luxuriante et enfin on se pose à quelques mètres des arbres, sur une piste en terre qui cahote. On débarque sous un gros carbet fait de poutres et de tôle : l'aérodrome de Saül. 


 
 Derrière Jérémy, l’aérodrome de Saül
 

Sur le chemin du bourg, on s'émerveille de tout. Déjà, ce que la forêt est fraîche! Ca change du cagnard permanent de Degrad. Ensuite, les bruits viennent de partout, les arbres sont infiniment grands, la piste bien entretenus. 
On partagera notre temps à Saül entre les randonnées, qui sont à la fois un vrai bonheur et également une torture car les taons nous piquent dès que l'on ralenti le pas (Jérémy a du supporter mes bougonnements), et la découverte du bourg, dont on fait rapidement le tour. Fascinée devant l'école, la poste, la bibliothèque et le centre de santé à la taille de ce tout petit îlot humain au coeur de l'Amazonie. On finit notre première randonnée quand l'avion de frêt vient se poser : c'est un défilé de Quads aux remorques chargée de cagettes de canettes de Coca et de bières, de bidons d'hydrocarbures et de plein d'autres choses nécessaires (ou presque) à la survie du village. L'avion vient tous les samedis et est très attendu car Saül n'est pas auto-suffisante. Il semblerait qu'il reparte à vide, en revanche. En ce qui concerne les poubelles, j'ignore si elles sont renvoyées à Cayenne ou si elles sont gérées (brulées, quoi) sur place.

 
 Le bourg vu du belvédère

 Le carbet-poste
 

Cette espèce de fourmi ramasse plein de feuilles et les laissent moisir dans des galeries pour obtenir des champignons

Le dernier jour, on va assister à atterrissage de l'avion quotidien, et on rencontre les gendarmes. Ils sont déployés à Saül pour un mois, et s'occuper principalement de veiller à ce que les touristes ne se perdent pas sur les sentiers de randonnée. Tous les matins ils en patrouillent un, et parfois ils partent en expédition foret, mais à 2 car ils ne sont que 4 sur place. Ils font également acte de présence pour dissuader les orpailleurs illégaux de rentrer dans le bourg - apparemment c'était un problème il y a quelques années de cela. Le matin, avant de partir en randonnée, les touristes (nous, quoi) viennent signer leur registre, indiquant sur quel sentier ils sont partis et quand ils comptent rentrer. Le système a l'air de bien marcher.
En tous cas ces gendarmes-là, qui ont plus l'habitude de casser du manifestant selon leurs propres dires, sont très heureux d'avoir une mission d'accueil et de conseil au lieu d’être dans la répression. 











Les randonnées sont splendides, mais c'est vrai que l'horizon est toujours bouché par la canopée - des arbres à perte de vue, jamais (ou presque) de panoramas, et vite on en vient à regretter de nos avoir plus de connaissances niveau faune et flore pour pouvoir s'extasier devant tel palmier rare ou tel insecte particulièrement coloré.
On repartira avec beaucoup moins de sous en poche (car l'épicerie locale est deux fois plus chers que les magasins de Cayenne, comme on s'y attendait), mais satisfait d'avoir vu ce lieu étonnant et d'avoir réellement pu rencontrer un peu la forêt amazonienne.

Une virée à l'Ilet la Mère entre amis


"C'est bon! On va pouvoir aller à l'Ilet la Mère" annonce-t'on fièrement à nos copains Jess & Yonathan. Il faut dire que la virée à bien failli tomber à l'eau. On avait décidé, lors d'un apéro chez eux quelques semaines avant cela, de les emmener au célèbre Ilet la Mère, car leur bateau a trop de tirant d'eau pour pouvoir s'y rendre. J'avais regardé les calendriers de marée et avais décrété que la date propice serait le 18 septembre, soit le plus petit coefficient de marée du mois. Malheureusement, deux ou trois semaines avant la date fatidique, impossible d'allumer le moteur. Il a fallu : purger le réservoir à diesel, râler, démonter le cockpit pour le sortir, râler, réparer certaines fuites du réservoir, râler, le réinstaller, râler, changer les batteries, râler, refaire les connectiques du tableau de commande, râler, et enfin, sur les conseils de Yonathan, débloquer le démarreur, et là, ne plus râler mais sauter de joie car le moteur a enfin démarré.

Enfin, un matin, on quitte le ponton à 6 (Yonathan, Jessica, Kai -18 mois- et Gal -3 mois-, Jérémy et moi) pour s'engager dans le chenal et sortir un peu du Mahury. L'ilet la Mère se trouve juste à son embouchure et est célèbre pour ses petits singes capucins qui y ont élu domicile depuis que l'Institut Pasteur les y a relâchés à la fin d'une expérience sur le paludisme, en 1981. Cette courte route a un vrai parfum de départ, comme si on était en partance pour les Antilles. Le moteur ronfle joyeusement, en parfaite santé, on déguste un ananas dans le cockpit tandis que Bébé Gal s'abrite du soleil à l'intérieur, bientôt rejoint par son grand frère Kai dont c'est l'heure de la sieste. 
 L'ilet la Mère et son air de vacances
 Bébé Gal à l'abri du soleil dans son berceau à l'épreuve de la houle

Bientôt on approche de l'Ilet. Une touffe de verdure entourée d'eaux cyan, certes un peu plus troubles qu'on ne l'aimerait, mais tellement différentes de la zone industrielle de Dégrad des Cannes où nous avons élu domicile depuis maintenant 4 mois. On est comme des gamins, dès l'ancre à l'eau, on saute, en pensant à toutes les îles qui ne sont qu'à quelques heures de navigation. Dire que pas plus tard qu'il y a quelques jours, je voulais tout abandonner et refiler le bateau au plus offrant. Bah, c'est les pannes de moteur qui m'auront épuisée... heureusement qu'on (et particulièrement Jérémy) a persévéré.

Une fois sur l'île, il ne nous faut pas plus d'une minute pour nous retrouver nez à nez avec ses habitants, les petits singes capucins dont j'ai parlé plus haut. Entièrement habitués à l'homme, nourris par les touristes qui débarquent de temps sur l'île, ils ont bien compris : humains = bouffe. Le moindre froissement de plastique les fait débouler par dizaine. On prend un grand plaisir à les observer... Ils semblent avoir des rôles bien définis ; certains restent avec nous et crient dès que de la nourriture est visible, faisant rappliquer tous leurs congénères. 

 
 
  
Les singes ont particulièrement peu peur de Kai
 
 Jérémy protégeant nos biscottes
 

Le soir, une fois de retour sur le bateau, on joue aux cartes, on papotte pendant que les petits dorment. Jérémy et moi dormons dans le lit en triangle à l'avant, et Jess, Yonathan et leurs bébés dans le grand lit du carré, et la cohabitation se passe extrêmement bien malgré l'espace (très) réduit.



L'Ilet possède deux sentiers de randonnées, nous en ferons un, croisant de nombreux fromagers, ces arbres gigantesques, et surtout nos amis les singes, régulièrement, qui viennent voir si par hasard, on aurait rien à grignotter. La ballade finit par un pique-nique sur la plage et Jérémy finit par se fâcher : impossible de manger avec tous ces singes qui nous grimpent dessus pour nous ôter (littéralement) le pain de la bouche. Chacun sa technique : Jérémy les effraie avec un bâton, je mets les pieds dans l'eau car ils en ont un peur bleue, et Jess et Yonathan décident quant à eux que les singes sont bien trop chouettes pour être chassés, et les laissent leur grimper dessus pendant tout leur déjeuner : ils sont bien plus patients que nous. L'un d'eux volera même la cuillère avec laquelle Kai mangeait sa compote. 

 Il n'y a pas que des singes sur l'île!
 
 

On rentrera à Dégrad après 2 nuits, couverts de sable et de sel, mais incroyablement relaxés. Vivement les îles!

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 Nos copains Yonathan et Jess ont pris la plupart des photos ici. Leur instagram et leur facebook sont très chouettes, je vous invite à les suivre!

Chroniques de la saison sèche

On l'attendait pour juillet, finalement elle est arrivée en août, mais on peut désormais le dire : la saison des pluies est loin, loin derrière nous, et la saison sèche est finalement là. Plus d'infestation de moisi, beaucoup moins de moustiques, mais cette saison sèche arrive également avec son lot d'inconvénients. Pour commencer, les taons locaux sont arrivés et s'engouffrent à parfois 4 ou 5 dans le bateau. Ils arrivent à piquer à travers les vêtements et leurs piqures laissent des cloques qui gonflent immédiatement et durent 24 heures. Ensuite, le soleil est devenu plus intense, bien plus intense. Entre 11 et 15h, impensable de sortir sans une ombrelle sous peine de rôtir en moins de 20 minutes. Enfin, il fait une chaleur suffocante qui nous a fait découvrir qu'il était possible de voir des ruisseaux de sueur se créer sur sa peau.

Sous l'ombrelle pendant les trajets en annexe

Cela dit, la chaleur nous a poussés à affronter l'eau trouble du fleuve Mahury, dans lequel on a trop longtemps eu peur de laisser des bouts d'orteils à des créatures marines inconnues. En général, on saute à l'étal pour éviter de se faire embarquer par le courant. Cela dit parfois Jeremy saute au plus fort du courant et s'accroche au balcon arrière de Lilla, les jambes flottant sous l'effet de l'eau defilant sur lui. Il peut y rester plusieurs minutes à faire la planche. De mon côté, il m'a fallu plus de temps pour oser faire la même chose, car j'ai peu confiance dans la capacité des muscles de mes bras à me ré-hisser à bord sur les tubes inox glissants du balcon arrière. Cela dit, je m'attelle à travailler tout ça car si pour l'instant j'ai la possibilité de choisir de ne pas être à l'eau, ce ne sera peut-être pas toujours le cas, car les accidents peuvent arriver en navigation. Par sécurité, j'ai donc la mission de me muscler.

 L'eau du Mahury : une piscine un peu trouble

Cette fin de séjour guyanais a, au-delà de tout ça, été des plus agréables. En août, on a gardé pendant 10 jours une grande maison avec piscine, et surtout avec un chien très sympathique. Ensuite, Jérémy a fini le travail et - mis à part des soucis de moteur qui nous ont un peu miné le moral pendant 2 semaines - on a pu bien profiter de la région, avec une visite de l'Ilet la mère, du village isolé de Saül et un lancer de fusée au centre spatial de Kourou.

 Des coiffures plus adaptées à la saison sèche