mardi 2 octobre 2018

Saül, au coeur de la forêt amazonienne

On était fin août, ça faisait 3 mois et demi qu'on était en Guyane et il fallait bien se rendre à l'évidence : on en avait pas vu grand-chose. Les supermarchés, les bibliothèques, les villes, le trajet du bateau au boulot de Jérémy, les lavomatics, le marché de Matoury. On venait de se faire ramasser en stop par une petite dame qui s'est mis à nous vanter les mérites de Saül. Mais oui, Saül, cette petite bourgade de 80 âmes pile au milieu de la Guyane, accessible uniquement par avion (où, on l'apprendra plus tard, par piste - 10 jours à pied au coeur de la forêt, empruntée principalement par les militaires et les orpailleurs). J'avais lu des trucs là-dessus, mais malgré l'envie de s'y rendre, l'idée de prendre un avion m'avait stoppée dans ma rêverie. Avion = trou dans le budget.
Seulement, ce que je ne savais pas, c'est que les vols pour Saül sont subventionnés, sans quoi la ville ne pourrait pas subsister. Donc, il fallait compter 130e par personne aller-retour au lieu des 600 que cela aurait du coûter. On a hésité un peu, et puis on a acheté nos billets.
A peine rentrés de l'Ilet la Mère, nous voilà donc en train de faire nos sacs pour 3 jours à Saül, apparemment le paradis de la rando en forêt. Seulement, sur le billet, je lis "10kg de bagage maximum" - probablement des bagages cabines uniquement, alors à regret on fait des sacs légers, sans trop de nourriture, et sans notre machette. Une fois arrivés à l'aéroport, il s'avère qu'on a le droit à 10kg en soute + 5 en cabine. Zut, on aurait pu emmener de quoi manger sur place, et bien plus de matériel.
 

Après quelques heures d'attentes à l'aéroport où je cours partout pour voir les avions décoller et attérir, nous voilà dans un petit avion 18 places qui décolle vers le Sud. Les habitations défilent sous nos yeux, d'abord le bourg de Matoury, puis des habitations plus éparses, des pistes de terre, et enfin plus rien. La forêt à perte de vue, interrompue seulement par le sillon d'une rivière qui serpente sous nos pieds. Quelques turbulances, et puis 30 minutes plus tard, une petite tache dans cette étendue verte : le bourg de Saül! On survole une ferme luxuriante et enfin on se pose à quelques mètres des arbres, sur une piste en terre qui cahote. On débarque sous un gros carbet fait de poutres et de tôle : l'aérodrome de Saül. 


 
 Derrière Jérémy, l’aérodrome de Saül
 

Sur le chemin du bourg, on s'émerveille de tout. Déjà, ce que la forêt est fraîche! Ca change du cagnard permanent de Degrad. Ensuite, les bruits viennent de partout, les arbres sont infiniment grands, la piste bien entretenus. 
On partagera notre temps à Saül entre les randonnées, qui sont à la fois un vrai bonheur et également une torture car les taons nous piquent dès que l'on ralenti le pas (Jérémy a du supporter mes bougonnements), et la découverte du bourg, dont on fait rapidement le tour. Fascinée devant l'école, la poste, la bibliothèque et le centre de santé à la taille de ce tout petit îlot humain au coeur de l'Amazonie. On finit notre première randonnée quand l'avion de frêt vient se poser : c'est un défilé de Quads aux remorques chargée de cagettes de canettes de Coca et de bières, de bidons d'hydrocarbures et de plein d'autres choses nécessaires (ou presque) à la survie du village. L'avion vient tous les samedis et est très attendu car Saül n'est pas auto-suffisante. Il semblerait qu'il reparte à vide, en revanche. En ce qui concerne les poubelles, j'ignore si elles sont renvoyées à Cayenne ou si elles sont gérées (brulées, quoi) sur place.

 
 Le bourg vu du belvédère

 Le carbet-poste
 

Cette espèce de fourmi ramasse plein de feuilles et les laissent moisir dans des galeries pour obtenir des champignons

Le dernier jour, on va assister à atterrissage de l'avion quotidien, et on rencontre les gendarmes. Ils sont déployés à Saül pour un mois, et s'occuper principalement de veiller à ce que les touristes ne se perdent pas sur les sentiers de randonnée. Tous les matins ils en patrouillent un, et parfois ils partent en expédition foret, mais à 2 car ils ne sont que 4 sur place. Ils font également acte de présence pour dissuader les orpailleurs illégaux de rentrer dans le bourg - apparemment c'était un problème il y a quelques années de cela. Le matin, avant de partir en randonnée, les touristes (nous, quoi) viennent signer leur registre, indiquant sur quel sentier ils sont partis et quand ils comptent rentrer. Le système a l'air de bien marcher.
En tous cas ces gendarmes-là, qui ont plus l'habitude de casser du manifestant selon leurs propres dires, sont très heureux d'avoir une mission d'accueil et de conseil au lieu d’être dans la répression. 











Les randonnées sont splendides, mais c'est vrai que l'horizon est toujours bouché par la canopée - des arbres à perte de vue, jamais (ou presque) de panoramas, et vite on en vient à regretter de nos avoir plus de connaissances niveau faune et flore pour pouvoir s'extasier devant tel palmier rare ou tel insecte particulièrement coloré.
On repartira avec beaucoup moins de sous en poche (car l'épicerie locale est deux fois plus chers que les magasins de Cayenne, comme on s'y attendait), mais satisfait d'avoir vu ce lieu étonnant et d'avoir réellement pu rencontrer un peu la forêt amazonienne.

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