mercredi 22 novembre 2017

Le soleil, enfin!

Nous voici en Algarve, la côte Sud du Portugal. On y a filé après Péniche, pour y retrouver ma copine Kelly qui est venue nous rendre visite, et puis un peu pour fuir ces courants d'air du Nord qui nous glaçaient la couenne à Péniche. 

Un problème d'éclairage en tête de mat nous a poussé à nous arrêter pour la nuit à Cascais, et après 24 heures de navigation, nous dépassions les falaises du Cap Vincent, cap sur Lagos. 

  
Arrivée à Lagos
 Conditions parfaites - enfin!

Lagos est une marina très chère et très huppée, donc une fois que nous avions dormi, nous avons filé vers Portimao, juste à côté. Juste en face de la marina se trouve un mouillage bien abrité et dont la tenue est bonne, et on y a attendu l'arrivée de Kelly.

J'avais pensé lui faire découvrir la navigation, mais les 5 jours qu'elle a passé avec nous n'ont pas vu la moindre petite rafale de vent, on a donc gentiment profité du soleil au mouillage... Et ça a fait un bien fou! Enfin l'occasion de profiter un peu, sans se sentir pressé de réparer tel ou tel truc et de repartir. On a pêché notre premier poisson et on a fêté l'anniversaire de Jérémy avec un gâteau sur la plage.

Gâteau no2 : le premier était un peu moins bricolé!
Prêt pour le feu de camp 
 
 Le dernier jour de son séjour, nos voisins, une famille anglaise, nous ont invité pour un petit déjeuner qui s'est éternisé jusqu'à 22h... J'imagine qu'on faisait de bons compagnons de jeux pour leurs 2 enfants, deux petites boules d’énergie, débordant de confiance en eux et d'insouciance, qui nous ont accueillis avec une démonstration de cochon pendu depuis le mat. Leur bateau est un vieux gréement de 15m, un véritable terrain de jeu! Très vite on plongeait du bout dehors et on grimpait aux cordages avec eux (enfin, surtout Jérémy!). Une famille française nous a rejoint et les adultes ont profité d'une bière dans le coucher de soleil pendant que les enfants dessinaient ensemble et se battaient un peu aussi.

Le Ros Ailither
La combi s'impose encore
    
Jérémy est toujours aussi photogénique...
Selfie-figure-de-proue
"Hé, si les enfants de 7 ans le font, moi aussi je peux"

Ah, retrouver si tôt cette ambiance si spéciale des atolls de Polynésie où les bateaux à l'ancre formaient un petit village flottant, où les enfants jouaient dans les gréements et les adultes se passionnaient pour leur joujou à eux ("Je t'ai montré l'osmoseur que j'ai construit?")... Tout à coup les doutes se sont évanouis et les malheurs des premières traversées ont été oubliés : la vie de bateau peut être simple et chouette, quand on prend le temps de lever un peu le pied, de rencontrer ses voisins, et de passer un bon moment.



mardi 21 novembre 2017

Contre mauvaise fortune, bon coeur!

 
« Bordel, avec le bruit qu’on fait, y’a encore personne pour venir nous aider dans cette marina?? ». Ponton visiteur à Péniche. On doit donner un fier spectacle, tous les deux accrochés à notre génois qui refuse de se laisser affaler. La drisse a lâché quelques heures plus tôt alors qu’on tentait d’enrouler le génois - le génois, à moitié enroulé, n’a plus rien voulu entendre et il a fallu crapahuter sur le pont pour tenter de le maintenir avec des bouts et minimiser les dégâts ; car on ne claque pas dans la brise sans conséquences fâcheuses, quand on est une voile.
Quelle navigation! On est parti de Baiona, la météo annonçait 18 noeuds établis, 20/25 en rafale… On s’est retrouvé dès le premier soir avec 30 noeuds établis. Sous génois seul et, qui plus est, réduit, Lilla trottait à plus de 7 noeuds, ce qui est énorme pour une petite puce de sa taille. Tout se serait bien passé si on n’avait pas eu à subir une houle de 4 mètres qui déferlait dans notre dos et envoyait notre petit bateau au surf. Dans ces départs au surf, la pale du régulateur venait faire sauter la biellette, pièce centrale du système, et après en avoir vu une finir à l’eau, il a bien fallu se résigner à barrer nous-même. Pendant 24h on s’est relayés, moi de jour, Jérémy de nuit, en gros. Ca a été très vexant de mettre la main sur les limites de mon endurance, quand j’ai du donner la main à Jérémy et me suis étalée sur un banc du cockpit, le corps entier douloureux et épuisé. Car ces heures de barres consistaient à se battre contre les vagues qui voulaient drosser Lilla dans un sens ou dans un autre et la remplir d’eau ; arqueboutée sur la barre, les fesses sur l’inconfortable hiloire du cockpit pour réussir à voir devant soi, le corps couvert d’embruns (qui bizarrement arrivent a pénétrer toutes les sous-couches) et donc humide. La déprime s’est installée sournoisement : si notre régulateur continue à faire des siennes, adieu les longues traversées, adieu la traversée de l’Atlantique et peut-être même adieu les Canaries.
Et puis ce génois qu’on s’est mis à ne plus pouvoir contrôler… Et qui claquait, claquait au vent! Ma voile la plus chère, la plus grande, celle qui devait nous conduire plein Ouest dans quelques semaines, toute gonflée d’Alizées! 




Une fois enfin affalée (avec l’aide de quelques francophones que mes jurons aurons rameutés) je ne veux même pas la regarder… On la range tant bien que mal, et hop! Tout le monde au dodo, ça ira mieux demain… Ou pas. Il aura fallu toute une matinée à m’abandonner à la déprime, au lit, pour que vers midi je saute enfin sur mes patounes de capitaine meurtrie dans son honneur et que je déclare à un Jérémy qui ne m’avait pas attendue pour embrasser la maxime : « Contre mauvaise fortune, bon cœur! » .









Alors on chausse les chaussures de marche, et on va visiter Péniche, qui semble bien être la ville la plus venteuse qu’on ait jamais vu. Un vent du Nord saisissant s’engouffre partout, malgré nos gros pulls et nos vestes de quart. Horreur, l’hiver nous rattrape!! Mais les couleurs sont belles et on trouve un chouette musée dans la vieille citadelle qui surplombe une mer toujours aussi grosse que le jour de notre arrivée.




On fera quelques chouettes rencontres au ponton et finalement, c'est le cœur plus tranquille et avec un génois plus petit qu'on continuera vers Lisbonne, sous le soleil! 



mercredi 1 novembre 2017

Une série noire

Cela fait quelques jours qu’on le sent ; le thermomètre a du mal à atteindre les 20 degrés, le ciel grisonne, les coups de vent se multiplient, les gens sortent moins… L’hiver arrive. Fort de ce fait, notre décision est prise : on va se dépêcher de dépasser les Ria Bajas, qui ont pourtant l’air si jolies avec tous leurs petits mouillages, et on file aussi vite que possible sur le Portugal, histoire de pouvoir enfin sortir les débardeurs plus que quelques heures. Un matin à la Corogne, tout le monde quitte la marina. Avec 6 mètres de houle prévu et pas de vent… Je me maudis de ne pas être aussi téméraire qu’eux, mais nous partirons le lendemain, avec une houle déjà suffisamment conséquente : 3,5m. Le carburant fait, après une magnifique manoeuvre dont nous nous flattons allègrement, cap sur le large! Il fait beau, je suis à la barre, de bonne humeur. Jérémy somnole dans le cockpit. Il m’annonce au bout d’une heure qu’il va se coucher, et me demande si je peux commencer mon quart de suite. Pas si vite, malheureux! Et mon dîner? Et mes habits de nuit? Et le pilote automatique? Et le café si je dois tenir comme prévu mes 6h de quart? Pauvre Jérémy, qui n’ose pas dire qu’il commence à se sentir mal et qui se voit obligé de faire chauffer la soupe à l’intérieur! Si j’avais su! C’est vrai que jusqu’à cet instant, la seule qui est sujette au mal de mer, c’est moi. Un mal de mer pas bien méchant, qui me fait remplir le seau assez rarement, mais ne m’incapacite jamais. « Badaboum ! » une vague plus grosse que les autres fait rouler le bateau pendant qu’il regarde ailleurs, et la casserole tombe par terre, se répandant partout. Sur les marches de la descente, sur le sol, dans les cales, et sur sa salopette de quart. En silence, la frimousse pâlissante, il entreprend de nettoyer le carnage. Une fois le travail fini, là, c’est clair : il est malade! Pourtant, il insiste : si, si, on continue, ça va passer! Zut, c’est vrai que j’ai bien envie de les étaler, ces miles-là, avant le prochain coup de vent d’Ouest, mais je ne suis pas sûre d’avoir la force de continuer toute seule, ni l’envie de lui imposer des heures de mal de mer : minimum 10h jusqu’à Camariñas. Tant pis, je mets la barre à bâbord toute, et retour sur la Corogne. Pendant l’heure et demie de retour, il perd en couleur de plus en plus, et commence à se sentir vraiment faible. Dire que j’avais peur de jouer les frileuses en ne l’écoutant pas et en faisant demi-tour! Désormais, interdit de jouer les braves quand on a le mal de mer!! Moi, quand j’étais malade entre Saint-Cast et Trégastel, il y aurait eu un port accessible, j’y aurais filé sans hésiter!
Le lendemain, la houle s’est adoucie. Nous partons au petit jour, et décidons que je serais de quart la plus grande partie de la journée ; comme ça, il aura la plus grande partie de la nuit, étant beaucoup plus détendu que moi face au trafic qui est assez conséquent sur cette côte. Mais très vite, il souffre d’un mal de crâne qui se transforme en mal de mer. Décidemment, le pauvre! On choisit de bifurquer et de passer la nuit au mouillage à Laxe. Une fois sur place, clonk-clonk, impossible de descendre l’ancre. Je crie, je m’énerve, Jeremy à la barre vient me rejoindre, on doit tout descendre à la main, et en plus on fait peur à nos voisins qui commencent à sortir tous leurs pare-battages par peur d’une collision. eh oh, on arrive pas à mouiller, mais on va pas vous rentrer dedans non plus! Finalement la pioche est jetée et on s’endort tant bien que mal.
Le lendemain voit notre arrivée dans la jolie ville de Muxia où nous entreprenons de réparer notre maudit guindeau, après avoir quand même fait quelques balades. Finalement c’est un travail sans fin et nous décidons de partir tout de même vers le Sud quand une jolie fenêtre arrive. 




Départ de la Corogne

 Jour 1 des travaux du guindeau... Dur dur
 Guindeau crado
 L'avantage d'avoir un copain qui aime le matelotage...
 Muxia

 En ballade



L’après-midi se passe bien, le vent est portant, je suis heureuse à la barre. De nuit, Jeremy est de quart et je n’arrive pas à dormir. Quand soudain, tout devient sombre. C’est bizarre. Ma première réaction est de me dire que je dois me faire des idées, que le phare qu’on vient de passer ne nous éclaire simplement plus… « Margot, on a un gros problème » . Jérémy m’appelle. On a plus de pilote, plus de feu, plus de VHF, de GPS, plus rien. J’enfile des vêtements en 4ème vitesse. Vérifie-ci, vérifie ça… Jérémy est aux commandes, et ça me va très bien, la tête dans le tableau électrique, n’ayant envie de penser à rien d’autre que les petits électrons qui ont arrêté de se balader sur nos câbles de cuivre. « C’est le fusible de l’ampère-metre, ça ne peut être que ça » Le diagnostic de Jérémy est sans appel, et il a raison. Le petit tube de verre est entre mes doigts, son filament brisé, complètement inutile. Vite, se ruer sur les réserves de fusible dans la couchette avant. « Et merde! ». Avant de partir, le gars qui nous a refait le système électrique m’a assuré que mes fusibles de rechange en verre ne servaient à rien, car il ne mettrait que des enfichables, et dans ma course à la place à bord, je les ai balancé. Je suis furieuse. Je récupère la caisse à outil, et m’échine pour shunter ce fichu ampèremètre qui, monté en série, empêche tout courant de parvenir au reste du circuit. Bon, je crois que c’est bon… Mais je ne sais pas pourquoi, j’ai quand même peur que tout s’enflamme quand je remettrais l’électricité dans ce circuit désormais bricolé par mes soins. CLIC! Et bien, ça a l’air de marcher… Mais maintenant, c’est moi qui me sens mal. Oh s’il te plait, allons à Baiona, c’est trop d’émotions pour moi… Deux jours seront nécessaire pour finir de réparer ce maudit guindeau et puis nous voici au mouillage, à attendre que les vents du Sud ne passent pour continuer. 


 Cap Finisterre, le redouté
 Heureuse à la barre
 Heureuse à la plage
 Baiona
 Une fin octobre pas trop dure...