mercredi 1 novembre 2017

Une série noire

Cela fait quelques jours qu’on le sent ; le thermomètre a du mal à atteindre les 20 degrés, le ciel grisonne, les coups de vent se multiplient, les gens sortent moins… L’hiver arrive. Fort de ce fait, notre décision est prise : on va se dépêcher de dépasser les Ria Bajas, qui ont pourtant l’air si jolies avec tous leurs petits mouillages, et on file aussi vite que possible sur le Portugal, histoire de pouvoir enfin sortir les débardeurs plus que quelques heures. Un matin à la Corogne, tout le monde quitte la marina. Avec 6 mètres de houle prévu et pas de vent… Je me maudis de ne pas être aussi téméraire qu’eux, mais nous partirons le lendemain, avec une houle déjà suffisamment conséquente : 3,5m. Le carburant fait, après une magnifique manoeuvre dont nous nous flattons allègrement, cap sur le large! Il fait beau, je suis à la barre, de bonne humeur. Jérémy somnole dans le cockpit. Il m’annonce au bout d’une heure qu’il va se coucher, et me demande si je peux commencer mon quart de suite. Pas si vite, malheureux! Et mon dîner? Et mes habits de nuit? Et le pilote automatique? Et le café si je dois tenir comme prévu mes 6h de quart? Pauvre Jérémy, qui n’ose pas dire qu’il commence à se sentir mal et qui se voit obligé de faire chauffer la soupe à l’intérieur! Si j’avais su! C’est vrai que jusqu’à cet instant, la seule qui est sujette au mal de mer, c’est moi. Un mal de mer pas bien méchant, qui me fait remplir le seau assez rarement, mais ne m’incapacite jamais. « Badaboum ! » une vague plus grosse que les autres fait rouler le bateau pendant qu’il regarde ailleurs, et la casserole tombe par terre, se répandant partout. Sur les marches de la descente, sur le sol, dans les cales, et sur sa salopette de quart. En silence, la frimousse pâlissante, il entreprend de nettoyer le carnage. Une fois le travail fini, là, c’est clair : il est malade! Pourtant, il insiste : si, si, on continue, ça va passer! Zut, c’est vrai que j’ai bien envie de les étaler, ces miles-là, avant le prochain coup de vent d’Ouest, mais je ne suis pas sûre d’avoir la force de continuer toute seule, ni l’envie de lui imposer des heures de mal de mer : minimum 10h jusqu’à Camariñas. Tant pis, je mets la barre à bâbord toute, et retour sur la Corogne. Pendant l’heure et demie de retour, il perd en couleur de plus en plus, et commence à se sentir vraiment faible. Dire que j’avais peur de jouer les frileuses en ne l’écoutant pas et en faisant demi-tour! Désormais, interdit de jouer les braves quand on a le mal de mer!! Moi, quand j’étais malade entre Saint-Cast et Trégastel, il y aurait eu un port accessible, j’y aurais filé sans hésiter!
Le lendemain, la houle s’est adoucie. Nous partons au petit jour, et décidons que je serais de quart la plus grande partie de la journée ; comme ça, il aura la plus grande partie de la nuit, étant beaucoup plus détendu que moi face au trafic qui est assez conséquent sur cette côte. Mais très vite, il souffre d’un mal de crâne qui se transforme en mal de mer. Décidemment, le pauvre! On choisit de bifurquer et de passer la nuit au mouillage à Laxe. Une fois sur place, clonk-clonk, impossible de descendre l’ancre. Je crie, je m’énerve, Jeremy à la barre vient me rejoindre, on doit tout descendre à la main, et en plus on fait peur à nos voisins qui commencent à sortir tous leurs pare-battages par peur d’une collision. eh oh, on arrive pas à mouiller, mais on va pas vous rentrer dedans non plus! Finalement la pioche est jetée et on s’endort tant bien que mal.
Le lendemain voit notre arrivée dans la jolie ville de Muxia où nous entreprenons de réparer notre maudit guindeau, après avoir quand même fait quelques balades. Finalement c’est un travail sans fin et nous décidons de partir tout de même vers le Sud quand une jolie fenêtre arrive. 




Départ de la Corogne

 Jour 1 des travaux du guindeau... Dur dur
 Guindeau crado
 L'avantage d'avoir un copain qui aime le matelotage...
 Muxia

 En ballade



L’après-midi se passe bien, le vent est portant, je suis heureuse à la barre. De nuit, Jeremy est de quart et je n’arrive pas à dormir. Quand soudain, tout devient sombre. C’est bizarre. Ma première réaction est de me dire que je dois me faire des idées, que le phare qu’on vient de passer ne nous éclaire simplement plus… « Margot, on a un gros problème » . Jérémy m’appelle. On a plus de pilote, plus de feu, plus de VHF, de GPS, plus rien. J’enfile des vêtements en 4ème vitesse. Vérifie-ci, vérifie ça… Jérémy est aux commandes, et ça me va très bien, la tête dans le tableau électrique, n’ayant envie de penser à rien d’autre que les petits électrons qui ont arrêté de se balader sur nos câbles de cuivre. « C’est le fusible de l’ampère-metre, ça ne peut être que ça » Le diagnostic de Jérémy est sans appel, et il a raison. Le petit tube de verre est entre mes doigts, son filament brisé, complètement inutile. Vite, se ruer sur les réserves de fusible dans la couchette avant. « Et merde! ». Avant de partir, le gars qui nous a refait le système électrique m’a assuré que mes fusibles de rechange en verre ne servaient à rien, car il ne mettrait que des enfichables, et dans ma course à la place à bord, je les ai balancé. Je suis furieuse. Je récupère la caisse à outil, et m’échine pour shunter ce fichu ampèremètre qui, monté en série, empêche tout courant de parvenir au reste du circuit. Bon, je crois que c’est bon… Mais je ne sais pas pourquoi, j’ai quand même peur que tout s’enflamme quand je remettrais l’électricité dans ce circuit désormais bricolé par mes soins. CLIC! Et bien, ça a l’air de marcher… Mais maintenant, c’est moi qui me sens mal. Oh s’il te plait, allons à Baiona, c’est trop d’émotions pour moi… Deux jours seront nécessaire pour finir de réparer ce maudit guindeau et puis nous voici au mouillage, à attendre que les vents du Sud ne passent pour continuer. 


 Cap Finisterre, le redouté
 Heureuse à la barre
 Heureuse à la plage
 Baiona
 Une fin octobre pas trop dure...

1 commentaire:

  1. Drôlement un aventure courageuse!
    Je vous souhaite tous des bonnes trucs Jeremy et Margot!

    Ciao
    Robelino

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