(Photos de quand on pouvait encore naviguer en baie de la Corogne...)
Cela fait 6 jours qu'on est à la Corogne. Une petite routine qui se met en place. Traîner au lit le matin, se lever, avaler un petit-déjeuner, jouer un peu de guitare, lire, préparer le déjeuner, manger, s'occuper de petits projets sur le bateau, se balader en ville, rentrer, manger, lire, dormir. Recommencer. Après deux ans non-stop de travail d'arrache-pied, je ne pensais pas qu'un retour au calme serait si difficile à accepter. Peut-être parce qu'il m'est imposé par la météo que je regarde tous les matins et qui ne m'annonce que du sud, du sud, du sud, de la houle, du gros temps.
Le premier jour, c’était plaisant. On a exploré la ville, acheter des tas de boite de rangement pour le bateau, sympathisé avec notre voisin de ponton, un avenant Suédois. J'ai retrouvé la lecture que j'avais délaissé pendant toute la durée du chantier, Jérémy a sorti sa vieille flute traversière et en avant les gammes. Le jour suivant, le vent soufflait méchamment au passage d'Ophélia et j'ai avalé le Tamata de Moitessier en quelques heures. Puis Jérémy a changé notre ampoule de mat, qui refusait toujours de fonctionner. Echec ; la nouvelle ampoule nous dit merde aussi. J'ai voulu faire le niveau de liquide de refroidissement du moteur, échec aussi : impossible de retrouver ce maudit bidon. Zut, quand ça veut pas, ça veut pas. Avec ça notre voisin est venu nous annoncer qu'il partait le lendemain. Quoi? Et la suite de dépression toutes creusées et hargneuses, prêtes à manger nos pauvres petits bateaux tous crus? J'ai re-regardé la météo ; en effet, on annonce 25 nœuds plutôt que 40... mais je me suis souvenu des mots de nos voisins de ponton à VIveiro ("Ici, il y a toujours 10 noeuds de plus que ce qui est prévu") ; alors tant pis, la témérité n'est pas notre fort ; on est restés.
Le jour suivant, 3 bateaux quittaient le port vers les remous du Cap Finistère et nous on trouvait notre liquide de refroidissement. J'ai attaqué l'Assommoir de Zola en attendant que la pluie de passe. Passionnant, mais vraiment pas joyeux.
Dans la foulée, on a enfin réussi à faire fonctionner notre ampoule de mat mais mon moral ne s'est pas amélioré. Cette impression de piétiner, je ne sais pas, une sorte d'angoisse qu'un projet primordial aie échappé à ma vigilance et qu'on soit en train de se tourner les pouces alors que le bateau a besoin de nos soins. Est-ce une séquelle de deux ans de chantier? Est-ce que Zola m'a rendue morose? Est-ce que la grande ville m'épuise? Probablement un peu de tout ; alors on part. Demain. Un peu de pétole, et puis un peu de vent de Nord si on a de la chance, et puis à nous les mouillages des Ria Bajas, et peut-être enfin la rencontre avec ces alizés qui sont censés nous conduire de par le monde...
Jérémy maître des épissures