samedi 3 novembre 2018

Piqûre de rappel




On va pas se mentir, on a un problème avec notre feu de mât. Honnêtement, on a un problème avec notre feu de mât depuis qu’on a quitté la Bretagne. D’abord c’était l’ampoule qui était grillée ; celle qu’on a acheté pour la remplacer à Audierne était verte - pas adaptée. Finalement on a trouvé notre bonheur à la Corogne, et cette ampoule-là nous a tenu quelques mois mais au milieu de l’Atlantique, elle a sauté lors d’un empannage. On a décidé que ça devait être du à sa petite taille qui l’empêchait d’être bloquée par le boitier, alors j’en ai acheté une plus grande. Encore un aller-retour en tête de mât et le problème était réglé. Du moins c’est ce qu’on pensait jusqu’à ce que, la deuxième nuit, l’ampoule ne s’allume pas et qu’on se retrouve sans lumière jusqu’à la Barbade. Obligés d’avoir les yeux rivés en permanence sur l’horizon, je râlai. Ben en fait yavait pas que ça…
On est arrivés à la Barbade, et on a remis l’ampoule en place. On avait qu’une nuit à faire et on s’est dit que pour une nuit, sur une navigation calme, il y avait peu de chances que cette maudite ampoule saute de nouveau. Et en effet, elle n’a pas sauté. On a passé tout le coucher du soleil dans le cockpit, le regard passant de l’horizon à la tête de mat (« - ça a l’air allumé là, non? -Jsuis pas sûr du tout, on verra dans 5 minutes. » ) et on a été très heureux de voir un halo apparaitre autour de la girouette.
Un bisou à Jérémy qui prend le premier quart (« tu feras attention, tu as un bateau à l’horizon ») et me voilà dans ma bannette à attendre le sommeil. Et voilà que la VHF grésille dans le bateau. Un voix masculine avec un fort accent espagnol nous dit en anglais « Ici le navire (…) pour le bateau de pêche à la position N 13.29, W 060.08 » Bateau de pêche? Mais c’est notre position, ça! En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, me voilà à la radio. Il nous demande qui on est et où on va. Voilier Lilla Loppan, en route pour la Martinique, cap 325 degrés, sous voiles. Bon. Il s’avère qu’il escorte un autre bateau qui tire un gros câble, et que si on continue sur ce cap, boum. Il faut qu’on tire au 350, pendant 2 heures. Zut, ça retarde notre arrivée, ça. Mais je me retiens de lui dire, et lui répète juste les informations pour confirmation. Après lui avoir appelé Lilla Loppan en alphabet international « LIMA-INDIA-LIMA-LIMA-ALPHA LIMA-OSCAR-PAPA-PAPA-ALPHA-NOVEMBER », on libère le canal après s’être souhaité un bon quart. Premier contact VHF avec un bateau en mer, et en plus il s’est super bien passé, je suis toute contente.
Je rejoins Jérémy et on regarde nos 2 gros bateaux, des points lumineux, défiler sur l’horizon à l’ouest. Clairement c’est grâce à notre lumière de mât que le bateau-support nous a vu et prévenus. « Et grâce à ta maîtrise de l’anglais et du vocabulaire de la VHF », ajoute Jérémy, et je rougis de plaisir. Mais quand même, que ce serait-il passé s’il ne nous avait pas vus, si l’ampoule avait encore fait des siennes? Parfois une veille continue et sérieuse n’est pas suffisante apparemment, parfois on peut quand même risquer de rencontrer un gros cable tiré par un cargo qu’on pensait avoir dépassé par l’arrière. VIndieu, en Martinique on change ce boitier qui refuse de bien faire tenir nos ampoules, quitte à changer la tête de mat entière s’il le faut! Dans la nuit qui est tombée, cette rencontre est un gros seau d’eau froide sur la tête.
Et les copains qui n’allument pas leur VHF en nav? Ceux dont la VHF est en panne perpétuelle? Est-ce qu’ils se rendent compte que leur veille, toute aussi sérieuse qu’elle puisse être, pourrait ne pas être suffisante? Et ceux qui vont se coucher, loin de leur VHF? Ceux qui refusent d’allumer leur feu de nav, tout en confiant le quart à des équipiers non expérimentés? Des milliers de scénarios catastrophe passent dans ma tête ; pourvu qu’ils ne se retrouvent jamais à faire les mêmes rencontres que nous...

jeudi 1 novembre 2018

La Barbade, porte d'entrée des Caraïbes

L'ancre descend lentement dans une eau turquoise et je la vois se poser 3m plus bas sur le sable. L'eau est d'une clarté incroyable ; on croirait qu'on vient de mouiller dans une piscine. C'est tentant : ni une, ni deux, on range vite fait le bateau comme il se doit à la fin de chaque traversée, on enfile nos masques et nos maillots et on plonge. Je n'avais pas vu une telle visibilité depuis la Polynésie ; Jérémy est ravi. On inspecte la coque : on a fait du bon boulot aux Iles du Salut. Très vite, il est temps de remonter et de se préparer pour aller passer aux douanes ; heureusement que la baignade nous a fait oublier notre fatigue.
On gardera l'habitude de nager une à deux heures tous les matins, avant que n'arrive toute une flotille de catamarans de touristes dans la baie. Ils vont assez vite dans le mouillage et on a pas envie de finir en hachis parmentier dans leurs hélices. Nos ballades en masque-tuba nous ammènent à un petit site avec 3 épaves, dont une assez récente qu'on retournera voir assez souvent. C'est le lieu parfait pour s'entraîner à l'apnée. La quille de l'épave doit être posée sur le sable à 10 ou 12m de profondeur, mais ses structures sont accessibles dès 2 à 3 mètres de fond, ce qui nous permet de prendre confiance dans nos capacités à descendre petit à petit. 






Dans la baie, on trouve aussi des corps-morts aux formes variées, dont un moteur et un tête de mort, et parfois on a la chance de croiser une tortue verte qui nage à ras du sable. On l'approche doucement en lui laissant tout de même un peu d'espace pour son confort, et on la regarde brouter les fonds marins. 




Le reste de la journée est passé au café pour tenter de résoudre des problèmes administratifs ou bien dans les rues de Bridgetown. On pense à un moment prendre un bus pour découvrir davantage l'île, mais finalement on se ravise, trop heureux de profiter de l'eau.



Bridgetown est extrêmement touristique, mais je crois que nous sommes arrivés à la saison creuse, en témoigne notre mouillage désert. Du coup, les taxi drivers doivent être en manque de clientèle parce qu'on ne peut pas faire 100m sans se faire aborder par un retentissant "TAXI GUYS?!!" ou par le klaxon "La Cucaracha" d'un minibus. Ca devient un peu usant quand on fait plusieurs fois par jour à pied le kilomètre qui nous sépare du centre-ville. Bizarrement, on a remarqué qu'on est moins hélés quand on se ballade avec notre parapluie comme ombrelle, et rapidement il ne nous quitte plus. 
Les hauteurs de Bridgetown sont couvertes de petites maisons caribéennes colorées dont les cours débordent sur les trottoirs, tandis que lorsqu'on se ballade dans la partie Sud de la ville, on ne voit qu'hôtel après hôtel. En longeant la côte, on passe de plage privée en plage privée où des anglais rouges écrevisse se prélassent dans des transats en plein soleil. Bizarrement, entre chaque plage privée, des étendues plus boisées sont complètement dépeuplées. C'est à n'y rien comprendre : certes le sol n'est pas fait de sable blanc, mais à 12h30, qu'est ce qu'il est bien plus agréable de trainasser à l'ombre des cocotiers... Cela dit, on ne va pas se plaindre d'avoir ces étendues pour nous seuls.


Après 5 jours de repos à la Barbade, il est temps de repartir, direction la Martinique, 120 miles plus loin.