lundi 21 mai 2018

La Guyane, notre nouveau département


 

"Ah oui, aussi, peut-être que vous aurez un boa qui montera à bord..."
"Et du coup, qu'est ce qu'on fait?..." se risque Jérémy.
"Ca dépend de sa taille... s'il fait 8m vous lui laissez le bateau"
 Une heure qu'on est à terre et le Maître de Port de la Marina de Dégrad des Cannes, à côté de Cayenne, nous a déjà fait le passage en revue de tous les animaux plus ou moins exotiques et plus ou moins dangereux de la Guyane. Un vrai passionné qui nous explique, avant même qu'on ait vu le moindre recoin de la région, comment distinguer les deux sortes de paresseux présents ici, ou les mygales "gentilles" des mygales agressives.
Bon, il me rassure pas trop avec son histoire de boa, mais y'a quand même  250 000 habitants en Guyane donc si c’était vraiment un problème ça se saurait... En plus il me semblait que les boas dépassaient pas 4m et mangeaient genre l'equivalent de la marmotte locale. J'imagine que faire frémir le petit métropolitain fraichement débarqué et facilement impressionnable doit être tentant... En tous cas, on a jamais eu autant d'infos en arrivant quelque part qu'en allant voir ce maitre de port, qui nous sert même un petit café. On est ravis.
Faut dire qu'on ne nous avait pas dressé le meilleur portrait de la Guyane ; les métros sont pas bien accueillis, y'a de l'insécurité partout et des insectes suceurs de sang qui veulent te refiler toutes les maladies du monde.
Pourtant, malgré les moustiques, on accroche bien avec la Guyane. A Degrad, tous les gens qu'on croise nous disent bonjour ou nous sourient, on fait du stop facilement, et la jungle (ou "la forêt" comme on dit sobrement ici) est à deux pas. Le week-end, nos voisins nous emmènent en pirogue explorer le fleuve et ses canaux... car désormais la semaine est studieuse ; Jérémy a trouvé du travail en une seule tentative, il soude pour une boite à 10 minutes à pieds. Quant à moi j'entretiens Lilla qui souffre pas mal de l'humidité ambiante.

samedi 19 mai 2018

Et un jour la terre vous apparaît...



 "Terre!!"

« Oh, regarde là! Un requin!!! J’ai vu son aileron! ». Jérémy, à la barre pour l’entrée de la rivière du Mahury, est fasciné. Le soleil est de plomb, mais nous sommes heureux de le voir enfin. Autour de nous, l’eau est brune et parsemée de petites iles d’un vert profond. Je scrute l’eau boueuse, à la recherche de l’animal peu commun dans un estuaire. « Là! Ils sont deux! » Deux ailerons viennent d’apparaitre au ras de l’eau, et je reconnais des dauphins d’eau douce - des Sotalies de l’Amazone, comme nous l’apprendra plus tard le bouquin sur les mammifères marins que nous avons embarqué. Jérémy est hilare de son erreur, et je ris de bon coeur avec lui. Nos cernes font des grosses poches sous nos yeux qu’on plisse pour se prémunir du soleil, nous donnant l’air de faire une perpétuelle grimace, mais on est tellement heureux ; ça faisait bien longtemps qu’on avait  pas rit aussi franchement tous les deux ensemble. 


Poisson volant échoué sur le pont et pas secouru à temps

Le bateau, y'a plus écolo



Il faut dire que la traversée n’a pas été très drôle ;  la mer qu’on nous avait décrite comme remuée d’une longue houle océanique de 6 à 8m (8 à 10 pour ceux de nos interlocuteurs les plus prônes aux envolées lyriques) n’était jamais plus haute que 2,5m, peut-être 3, mais la houle était incroyablement hachée et on a passé la traversée à se cogner à bâbord, puis à tribord. A 2 dans quelques mètres cubes, on a vite commencé à se marcher dessus et il n’en a pas fallu plus qu’une lumière de mat qui nous lâche pour que les premières disputes éclatent. Non, non, non, pas question, je ne t’enverrai pas en haut du mat en pleine mer, Jérémy, n’y pense même pas! Plutôt faire des quarts de nuit en vigilance constante et allumer notre lumière de moteur qui consomme beaucoup à l’approche d’une lumière. J’ai gagné la dispute ; on y a perdu pas mal de tranquillité d’esprit.
Arrivés dans le courant de Guyane, le vent nous a lâché, et le soleil aussi. Pour ne rien arranger, la pompe de cale s’est bloquée en marche forcée et le temps que je m’en rende compte, elle avait vidé les batteries. Le diesel avait également pris l’eau, il a fallu purger tout ça et nettoyer les filtres. Ce n’est que 36h après notre arrivée dans le courant, et avec chance devant l’entrée du Mahury, la rivière ou nous sommes, que nous avons enfin eu assez de rayons de soleil sur les panneaux pour démarrer le moteur. J’en aurais pleuré… et voilà, en route vers le mouillage, comme si ces 3 dernières semaines n’étaient qu’une courte page tournée, moi qui ai passé la deuxième semaine à me désespérer d’arriver un jour.