Cela dit, ce n’est pas chose aisé de décrire la coiffure qu’on veut sans un mot de vocabulaire, et nous nous rabattons sur les posters de footballers accrochés au mur pour lui indiquer quel style, en gros, donner. Bon, les posters datent des années 80-90, donc il nous faudra une minute ou deux a chercher une coupe convenable parmi pas mal de mulets, mais finalement, le message passe et Jérémy s’installe.
Pendant que le coiffeur passe la chevelure de Jérémy au peigne, lui donnant un air de danseur d’opérette des plus amusants, je contemple la boutique. Quatre gros fauteuils de barbier, style art-déco, travail de ferronnerie admirable, font face a une petite desserte mal égale, faite de vieux agglomérés sur lesquels ont été collés des imprimés bois en plastique. Quatre énormes vieux miroirs reflètent tant bien que mal les murs verts et jaunes, à travers leurs tâches brunes et un certain déformement causé par l’âge. Chaque siège se voit attribué un tiroir en face de lui, qui attire ma curiosité, car jamais le coiffeur n’en tirera le gros bouton rond et rouillé pour y attraper une paire de ciseaux ou une tondeuse. Ici et là, traînent des piles de magazines féminins et des bombes de mousse à raser. Jérémy, lui, trône sur une pile de divers magazines, judicieusement installés là pour parer à l’état de délabrement de la sellerie des antiquités que sont les sièges. Mon regard passe paresseusement de sa chevelure aux trous dans le crépit, et aux nombreux posters, équipes de football ou images humoristiques d’internet dont la signification m'échappe. L’ensemble, avec son odeur sucrée de produits pour la peau et les cheveux, dégage une atmosphère vraiment désuette et unique, entre un film de Wes Anderson, d’Almodovar, et la réalité du labeur d’un homme qui coupe des cheveux pour 300 escudos (peut-être moins pour les locaux, ce qui me paraitrait normal).
Très vite, le coiffeur se tend un peu, et Jérémy aussi légèrement. Moi je represse un rire qui aurait été mal venu : clairement, les touffes de cheveux fins et indomptés ne courent pas les rues ici, encore moins celles qui réclament d’être désépaissies sans passer par la tondeuse, et notre coiffeur s’entête à vouloir faire une frange droite à la moitié du front de mon matelot. Finalement, Jérémy lui demande gentiment de passer à la tondeuse : tant pis, on fera plus court, mais au moins l‘arrière de la tête sera bien fait, et pour le devant je ferai les finitions une fois rentrés à bord. L’artiste capillaire s’exécute, soulagé de pouvoir reprendre une esquisse dont même lui n’avait l’air qu’à moitié satisfait.
On repartira, Jérémy avec la coupe d’Elvis sans la gomina et moi fière d’avoir réprimé ce fou-rire qui aurait été insultant pour le travailleur qu’on avait en face de nous. Trois coups de ciseaux, un peu d’eau de mer dans les cheveux et la catastrophe est évitée ; pour trois euros, Jérémy a eu une nouvelle coupe, on a visité un salon de coiffure des plus coquets, et en prime j’ai une anecdote pour le blog - que du positif, au final.
Heureux avant
Dubitatif après
Même avec cette nouvelle coupe tu es le plus beau garçon du MONDE mon ti'chéri !!!!!
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