vendredi 28 décembre 2018

Convalescence aux Saintes

Ile en vue. Il est 3 heures du matin. Groggy par une navigation marquée par un mal de mer des plus pénibles, je suis à l'avant pour affaler les voiles. D'abord le tourmentin, puis la grand voile.
"Donne de la drisse!"

Jérémy se penche vers le bloqueur. 
"OUIILLLLEEEOUILLEOUILLLEEEOUILLEAAAAAAAH"
"Jérémy?!"

"Je me suis bloqué le dos!"
J'arrange les voiles aussi vite que possible et retourne dans le cockpit où la douleur l'a paralysé sur un des bancs. Je prends la barre, moteur allumé. J'aurais pas du le laisser dormir dans le cockpit ; pourquoi je l'ai cru quand il a dit qu'il préférait y dormir? Je sais pourtant que c'était pour me rassurer car j'aime peu la nuit, en côtier, entre le traffic et les changements de vent permanent.
Après des dizaines de minutes où chaque roulis du bateau le crispe, on arrive à la zone de bouées de Terre-de-Haut. Il fait encore nuit et toutes les bouées sont prises, on va errer une bonne heure avant que dans l'aube, un gros bateau anglais ne défasse ses amarres d'u corps mort que l'on attrape aussi tôt. Tout le monde au dodo!



Depuis le bateau, en attendant de pouvoir aller à terre

La baie de Terre-de-Haut où nous passerons une semaine
Pélicans rois de la baie
Déco mise à jour pour l'occasion


Les jours passent sans que l'on ne puisse aller à terre. J'ai réussi à convaincre Jérémy d'aller nager et on dirait que ça lui fait du bien, mais la descente dans l'annexe est encore impensable. Il dort une grande partie de la journée, moi je tourne un peu en rond, alors je nage (j'ai découvert une épave), je couds et je fais mes cours. Parfois on observe les gros pélicans bruns qui chassent dans la baie. Dur d'imaginer qu'ils sont aussi efficaces en les observant se vautrer dans l'eau en un gros fracas. POurtant ils ressortent toujours avec de la nourriture dans le gosier.

La douleur finit par s'atténuer et on part à la découverte de Terre-de-Haut. La ville est très touristiques, avec des petites baraques colorées sur le front de mer qui abritent une multitude de magasins de souvenirs et de restaurants. En dehors de la ville, les chèvres et les poules se balladent librement et fouillent les poubelles. Les locaux circulent en scooter, les touristes en vélo électrique ou en voiture de golf. Sauf nous - parce qu'on est pas pressés par le temps et qu'on sait bien que de toute façon on ne pourra pas voir toute l'ile en une journée. On se ballade jusqu'à la baie de Pompierre, à l'Est, le Fort Napoléon au Nord, et le Pain de sucre au Sud. 

 
 Bienvenue aux Saintes

 

 


 

Une chèvre freegan qui souhaiterait qu'on passe notre chemin, merci

Petit à petit, Jérémy se remet sur pied, et il décrète qu'on passera Noël aux Saintes, à la baie Marigot très exactement, puisque c'est le seul endroit où mouiller sur Terre-de-Haut où l'on ne doit pas payer une redevance. Nous sommes seuls dans cette grande baie, un vrai bonheur. Mais chaque nuit, la houle et le vent nous rappellent pourquoi : on est réveillés plusieurs fois par nuit par des rafales hurlantes et le bateau qui tangue violemment d'un bord sur l'autre. Bouarf, une fois l'ancre bien enfouie comme elle l'est, on ne risque rien, alors on s'accommode de ce désagrément. 

 
 La Baie Marigot

 Pique-nique de Noël sur le pont

vendredi 7 décembre 2018

La Martinique et les semaines qui passent...




L’eau est plus claire aujourd’hui que tous les jours précédents. J’y descends doucement, en prenant soin de ne pas mouiller mes cheveux ; ce sera autant d’eau de rinçage économisée. Je fais quelques brasses autour du bateau. La vue sur Fort de France est magnifique ; l’église et son clocher squelettique, et en arrière plan, les Pitons du Carbet, deux montagnes qui émergent occasionnellement de leurs nuages.
Ca fait 3 jours que Jérémy est rentré en France. Je prends petit à petit ma routine solitaire. Le premier jour était étrange, mais finalement je m’habitue. Pour la première fois, Lilla me parait presque grande. Il y a une place infinie entre ce grand lit en triangle, les deux banquettes, les bancs du cockpit où je ne vais jamais et la plage avant où j’ai installé un coussin pour boire mon thé et regarder le soleil se coucher.  Les bons jours, l’horizon est dégagé et je peux voir les planches a voiles passer devant le gros disque orangé qui rosit puis disparait. Il y a du monde au mouillage ces derniers temps ; les pavillons jaune volent dans les haubans. Ils indiquent que le bateau doit encore effectuer les formalités auprès des douanes. Ces bateaux sont sûrement les premiers à avoir traversé cette année, et bientôt la Martinique sera bondée.



Coucher de soleil au Marin - nos premiers jours Martiniquais

C’est rigolo de penser qu’on ne devait rester que deux ou trois semaines en Martinique. Ca a commencé par quelques jours dans la baie du Marin pour un avitaillement (bouffe, eau, diesel, gaz...) et un passage dans les nombreux shipchandlers qui sont disponibles. On a failli repartir avec deux vélos pliables du magasin d’occasion, mais fort heureusement ils étaient dégonflés et on s’est ravisés. 




Ensuite, aux Anses d’Arlet, on a été conquis par les fonds sous-marins lors d’une séance de snorkelling, et j’ai eu l’idée de proposer à Jéremy de passer notre niveau 1 de plongée pour son anniversaire. Autant dire que la semaine est passée vite et qu’on en a vraiment profité. La monitrice était tellement bien et pédagogue qu’on a hésité rester plus longtemps et aller jusqu’à un niveau 2. Pour ne rien gaâcher, pendant nos nombreux aller-retours entre le Bourg et Grande-Anse, on a rencontré beaucoup de gens sympas, polis, souriants. « Et si on restait juste en Martinique? » . L’idée a été soumise, comme beaucoup d’autres d’ailleurs.




On a quitté Grande Anse la veille de l’anniversaire de Jérémy et je dois dire, non sans honte, que la baie de Fort de France nous a méchamment refusé l’entrée. Un vrai goulot à vent, cet endroit! Et Lillette qui d’habitude remonte si bien au vent, qui se met à nous faire tapper des bords carrés. Zut, ça fait si longtemps que ça qu’on a pas eu du vent dans le nez? Elle est trop chargée, la Lilla? Les voiles sont mal installées? Incompréhensible, et extrêmement frustrant. Je décide que tant pis, on ira pas à Trois Ilets, dans le fond Sud de la baie, mais à Fort-de-France. 




… On a finalement passé 10 jours à Fort de France, entre une angine de mon côté et … des dents de sagesse qui se sont mises à pousser dans la bouche de Jérémy pour son 27ème anniversaire. Adorable.





Enfin, on a fait escale à la mythique Saint-Pierre. Oui, vous savez, cette ville complètement détruite par une coulée pyroclastique venant de la Montagne Pelée, en 1902. Les restes de l’ancienne Saint-Pierre sont encore présents partout dans la nouvelle, qui a l’air d’une ville bien plus sur le déclin que ses comparses du Sud. Apparemment les gens partent sur Fort-de-France pour y travailler.
A St Pierre, il a été décidé d’un retour sur Fort-de-France pour que Jérémy aille rendre visite à sa famille, et il rentrera dans quelques jours. Pour pourra enfin partir plus au Nord, direction l’archipel des Saintes, en espérant éviter la période où celui-ci est pris d’assaut par ni plus ni moins que nos semblables.