samedi 2 décembre 2017

Apprendre à laisser passer une fenêtre météo... et les suivantes.

Au large de Portimao, il y a quelques jours. On vient de faire un demi-tour pour aller récupérer tout un barda qu'on avait oublié sur le ponton de la marina en faisant du carburant : les rames de l'annexe, notre précieuse canne à pêche, un pare-battage... Un vrai acte manqué. Lorsque nous sommes repartis de la marina, il faisait déjà presque nuit, et nous voilà maintenant au près, avec un bateau qui tape et qui, par un jeu de courant des plus inattendus, se traîne à 3,5 noeuds. A ce rythme, on est quasi sûrs d'arriver à Rabat avec du vent dans le nez et la houle qui se lève. Que faire? On ne va quand même pas faire demi-tour... C'est idiot, mais le fait d'avoir annoncé qu'on quittait l'Europe quelques heures plus tôt sur Facebook rend l'avortement de la tentative terriblement humiliant. Peut-être des réminiscences de l'époque fécampoise où mes rêves de départ faisaient tant rire le voisinage et où j'avais l'impression de donner un spectacle réjouissant à chaque échec. Toujours est-il que la solution, c'est Jérémy qui me l'apporte, devant mon mine déconfite à l'idée de faire 200 miles dans ces conditions inconfortable : et si on allait rejoindre nos copains du Ros Ailither, qui eux se dirigent vers le Rio Guadiana, à la frontière andalouse? On pourra faire des réparations et puis Jérémy continuera à pratiquer son anglais... Allez, la fenêtre est clairement pas aussi bonne qu'annoncée, au pire on a pas besoin de passer l'hiver au Guadiana, on pourra attendre la prochaine fenêtre météo parfaite pour les Canaries. A force de me proposer cette idée pour calmer mes esprits, Jérémy s'est convaincu lui-même ; désormais, il ne veut plus aller au Maroc, non, il veut aller au Guadiana et retrouver nos nouveaux copains! Bon, ok, c'est gagné, cap sur Faro.
En attendant que nos amis n'arrivent à Faro, je consulte la météo... Vindieu, en voilà une belle fenêtre météo de 6 jours : portant vers les Canaries, pas de houle, du vent juste ce qu'il faut... Mon premier réflexe est simple : Jérémy, il faut y aller, les Canaries, les tropiques, la traversée de l'Atlantique nous attendent. Eh oh, cocotte, on venait de décider de revoir nos copains... tiens, d'ailleurs, les voilà. Quand on arrive au mouillage du centre d'Olhão, après 1 nuit près d'une ile dans la lagune, leur petit dernier saute de joie sur le pont. Quel accueil! Bientôt nous sommes invités à bord pour jouer toute l'après-midi, et puis pour le dîner... Les enfants nous font des dessins, et nous demandent si on ne veut pas venir au Guadiana avec eux... Bon, ok, un mois peut-être...


 Katie et Reuben du Ros Ailither ont été nos supers équipiers pendant une navigation dans la lagune

 C'est pas les Canaries mais y'a pire comme cadre où passer l'hiver

Un mois vraiment? Maintenant que nous sommes à Ayamonte, à l'entrée de la rivière, je me demande si tout cela est bien raisonnable... Après tout, je nous bouffe avec ces histoires de "IL FAUT TRAVERSER VITE POUR ALLER AUX CANARIES PARCE QU'ON NE PEUT TRAVERSER QUE JUSQU'A MAI ENTRE LE CAP VERT ET LA GUYANE ET PUIS QUE APRES IL FAUT REMONTER VERS LES ETATS-UNIS SINON APRES ON NE POURRA PAS REDESCENDRE ASSEZ VITE ET JE SERAI TROP VIEILLE POUR DES VISAS VACANCES-TRAVAIL ET PUIS SI ON VEUT ETRE DANS LE PACIFIQUE AVANT 2021 ALORS...". C'est cette fuite en avant qui nous empêche de profiter et qui nous force à sortir quand le bateau nous montre des signes de faiblesse. Avancer, avancer, oui... mais pourquoi faire? Ce n'est pas un record qu'on cherche à battre ici, il ne s'agit pas d'avancer à tout prix... Ok il fait un peu froid ici, du moins un peu plus que dans les Tropiques, mais si on y est bien, à quoi bon partir? Les copains sont là, on peut bosser tranquillement sur le bateau sans dépenser des fortunes en marina et repartir avec les beaux jours sans se presser... profiter des lieux, apprendre la langue, randonner, toutes ces choses qu'on a pas eu le temps de faire jusque là parce qu'il "fallait" fuir l'hiver. Alors quel est notre programme pour 2018? Je ne sais pas, vous verrez bien.


 Provisions avant la remontée du Guadiana
 Méduse du Guadiana
 Ayamonte