mardi 23 mai 2017

Comment j'ai rencontré une petite puce suédoise



 "Un jour, je serai capitaine..."
Il y a maintenant 2 ans, je rentrais de tour du monde avec une idée dans la tête : acheter à mon tour mon propre bateau, et partir à dos d'alizés vers ces tropiques et cette vie qui m'avait tant plu lorsque j'étais équipière.
Sur les conseils d'un bon copain, j'étais allée en Suède jeter un coup d'oeil à des petits bateaux costauds, et j'avais vite (trop vite, peut-être) décidé d'acheter un petit Laurin 28. Dès le premier jour du convoyage, j'ai déchanté quand l'arbre d'hélice s'est décroché pour aller se loger dans le safran, et que mon équipier et moi, après avoir regagné contrôle de la barre, avons du errer dans la pétole pendant 48h. 


Après beaucoup d'escales techniques et d’équipages différents, le bateau est arrivé en rade de Fécamp un matin d'août. L'aube se reflétait sur les falaises de Normandie et leur donnait une jolie couleur rose, mais mon petit cœur de capitaine en herbe était meurtri. Le bateau m'avait résisté bien plus que je n'aurais pensé, et j'étais très loin de l'avoir apprivoisé, je le savais. Moi qui me rêvait un jour navigatrice solitaire, le chemin à parcourir était encore long.


Les mois suivants ont été très moroses. Le mois d'octobre m'a amené mon premier hiver depuis quelques années, un hiver normand avec son lot de pluie et de grisaille. Heureusement, l'hiver a également vu emménager à bord un équipier qui n'est jamais reparti, un Jérémy rencontré dans la formation professionnelle en maintenance nautique que je suivais.
La formation, quant à elle, m'a plus appris à me faire une carapace, à montrer des dents face aux commentaires machistes ou moqueurs, qu'à réparer mon bateau. Les formateurs, qui m'assuraient de leur intérêt pour mon projet les premiers jours, ont vite décidé qu'il serait plus divertissant pour eux de prendre des paris sur l’échec de mes rêves de grand départ.
Et honnêtement, ce n'est pas passé loin.
Tout était à refaire dans l'installation du moteur, qui restait au centre de formation, bloqué par l'indifférence d'un formateur que je n'ai jamais bien réussi à cerner. Il m'a fait refaire un châssis moteur, mais à ce jour je ne sais toujours pas ce qu'il vaut. 


 Au printemps, j'ai finalement pu récupérer mon moteur, et j'ai fait appel à un copain pro pour finir le boulot. Il a fallu ressortir le bateau de l'eau (j'avais déjà fait le carénage en mars), mais après moultes péripéties (notamment un travail de serveuse qui a fini aux Prud'hommes et beaucoup de jurons) j'étais prête à repartir pour la Bretagne où j'avais trouvé un travail pour l'été (il avait bien fallu se rendre compte que le départ ne serait pas pour cette année-là). 


Le bateau était repeint, son nom changé en Lilla Loppan, petite puce, pour gommer tout lien avec le propriétaire précédent qui m'avait apparemment bien roulée en terme de vice caché, et le drapeau suédois claquait au vent quand nous sommes arrivés au Port de Saint-Cast-le-Guildo, fiers de nous après une traversée très réussie par le fameux Cap de la Hague.
 


Après un été que nous avions décidé de passer sans travaux (erreur probablement car l'été est la meilleure saison pour ça), nous avons mis cap sur Paimpol, pour s'essayer au service civique chez les Glénans. On a assez vite déchanté (Paimpol est cependant une ville très sympa), et j'ai fini par trouver un boulot dans le même port que l'été précédent, à Saint-Cast.
Et c'est là où j'en suis désormais. Le bateau sèche doucement au soleil sur l'aire de carénage, on le prépare à un départ pour la Gallice en septembre.